Soldats japonais pénétrant dans Nankin.
Soldats japonais pénétrant dans Nankin.
Date 3 décembre au 13 décembre 1937
Lieu Nankin et alentours, en Chine
Issue victoire japonaise, massacre de Nankin
(Frappes aériennes à partir du 21 septembre)
Belligérants
République de Chine Empire du Japon
Forces en présence
70 000-80 000 hommes 240 000 hommes
Pertes
Environs 50 000 soldats environs 6 000
Entre 80 000(estimation basse) et
300 000 civils (estimation haute)
Tués lors du massacre de Nankin
La Bataille de Nankin opposa en 1937 l'Armée impériale japonaise à l'Armée nationale révolutionnaire chinoise, durant la guerre sino-japonaise, et vit une victoire écrasante des troupes japonaises. Elle eut pour conséquence immédiate le massacre de Nankin.
La bataille de Shanghai, plus difficile que prévu, incita tout d'abord les Japonais à retarder l'assaut sur Nankin, alors capitale de la Chine. Le 21 septembre, le Service aérien de l'armée impériale japonaise commença ses frappes sur Nankin. La chute de Shanghai, à la fin novembre, fit comprendre à Tchang Kaï-Chek que la capitale serait la prochaine ville à tomber. Les Japonais, souhaitant abréger le conflit après les durs combats de Shanghaï, commencèrent leur marche sur Nankin pour en finir avec le gouvernement chinois. Tchang Kaï-Chek ordonna le départ du gouvernement pour Wuhan.
Le 27 novembre, les autorités chinoises conseillèrent aux étrangers de quitter la ville; les civils chinois commencèrent également à fuir. Malgré la difficulté de la tâche, il fut décidé de défendre tout de même Nankin contre les Japonais; Tang Shengzhi accepta de prendre la direction des opérations. Les troupes chinoises demeurées sur place, mal préparées, pratiquèrent une politique de la terre brûlée, consistant à bloquer les routes, ce qui empêcha un certain nombre de civils de prendre la fuite. L'armée chinoise étant en pleine déroute, un certain nombre de défenseurs choisirent également la désertion.
Massacre de Nankin
Ossements de victimes retrouvés sur le site du mémorial de Nankin
Le massacre de Nankin (en chinois, 南京大屠杀 pinyin Nánjīng Dàtúshā), également connu sous l'appellation Viol de Nankin, est un événement de la seconde guerre sino-japonaise durant lequel l'Armée impériale japonaise se livra à des atrocités contre la population civile de la ville chinoise de Nankin et les soldats de l'armée nationaliste du Guomingdang faits prisonniers.
Ce massacre, qui débuta le 13 décembre 1937 juste après la bataille de Nankin, dura six semaines et fit entre 100 000 et 300 000 victimes suivant les sources et selon l'étendue de la zone considérée. Il eut lieu sous les yeux de nombreux Occidentaux, dont les Américains John Magee, George Fitch et Robert Wilson — seul chirurgien resté à Nankin durant le massacre —, ainsi que l'Allemand John Rabe et la missionnaire Minnie Vautrin dont les mémoires personnels ont été publiés.
Bas-relief du mémorial de Nankin
Invasion de la Chine
Article du 13 décembre 1937 publié dans le Nichi, Nichi shimbun et racontant les « exploits » des sous-lieutenants Mukai et Noda lancés dans un concours de décapitation. Arrivé au score 106 contre 105 et ne pouvant déterminer le vainqueur, le concours continua pour 150.
En septembre 1931, l'armée impériale japonaise envahit la Mandchourie, une province de République de Chine, suite à un attentat contre une voie de chemin de fer appartenant à une société japonaise. Cet attentat, très vraisemblablement réalisé par les Japonais eux-mêmes pour justifier l'invasion, marqua le début de la conquête de la Mandchourie par le Japon. En 1932, Hirohito approuva la nomination d'un gouvernement fantoche, avec à sa tête le dernier empereur de la dynastie Qing, Puyi, dans cette province chinoise, renommée Manzhouguo (ou Mandchoukouo).
En 1937, suite à l'incident du pont Marco Polo, Hirohito donna son accord à l'invasion du reste du territoire chinois, ce qui conduisit à la Guerre sino-japonaise (1937-1945). Dès lors, l'armée japonaise se vit opposer une forte résistance, notamment durant la bataille de Shanghai qui fut particulièrement sanglante.
Le 13 décembre 1937, les troupes japonaises entrent dans Nankin
Certains historiens émettent l'hypothèse que la violence des combats à Shanghai fut en partie responsable de la « mise en condition psychologique » des soldats japonais pour qu'ils commettent plus tard les atrocités à Nankin. Une des explications les plus vraisemblables demeure toutefois la décision prise par Hirohito d'approuver une directive de son état-major suspendant les mesures de protection du droit international à l'égard des prisonniers chinois. L'influence de la propagande impériale qui décrivait les étrangers et surtout les autres populations asiatiques comme des « êtres inférieurs » faits pour être dominés, voire du bétail (kichiku), fut certainement aussi significative.
Prisonniers civils chinois passés à la baïonnette par les soldats japonais
Pendant le trajet menant de Shanghai à Nankin, le Nichi, Nichi Shimbun rapporta d'ailleurs, en feuilleton s'étalant du 29 novembre au 13 décembre, un concours impliquant deux officiers de l'armée Shōwa qui avaient parié pour savoir lequel d'entre eux serait le premier à décapiter 100 Chinois avec son sabre.
Le massacre
Cadavres d'enfants chinois massacrés par l'armée Shōwa
Le 8 décembre, alors que la capitale Nankin était assiégé, Tchang Kaï-chek et sa femme évacuèrent la ville avec une partie des troupes. Le 11, les soldats chinois demeurés sur place reçurent à leur tour l'ordre d'abandonner la capitale.
Le 13 décembre, la bataille de Nankin était terminée. L'armée japonaise, forte de plus de 160 000 hommes , pénétra dans la ville, fit prisonniers les soldats chinois encore présents et les divisa en petits groupes. Le massacre débuta alors et les Chinois de tous âges, aussi bien civils que militaires, furent tués à la baïonnette et au sabre pendant que les femmes étaient violées et éventrées.
Dans son journal de bord, le lieutenant-général Kesago Nakajima, note le passage suivant pour la journée du 13 décembre : « Il y a des prisonniers partout, tellement que nous ne pouvons pas nous en occuper. La règle en vigueur est "N'acceptez aucun prisonnier !" J'ai entendu dire que l'unité Sasaki a disposé à elle seule de 1 500 Chinois. Une compagnie assurant la garde de la porte Taiping a disposé d'un autre 1 300. Un groupe de 7 000 à 8 000 s'est incrusté autour de la porte Xianho et est encore en train de se rendre. Nous avons vraiment besoin d'une large tranchée pour régler le sort de ces 7 000 à 8 000 mais nous ne pouvons en trouver aucune, alors quelqu'un a suggéré ce plan : "Divisez-les en sous-groupes de 100 à 200 et conduisez-les dans un endroit approprié pour les éliminer" ».
Cadavres de chinois le long des berges du Yangzi Jiang
Nankin disposait d'une zone internationale où résidaient de nombreux Occidentaux. Leurs témoignages décrivent des exécutions sommaires de civils, des actes de tortures voire de vivisection, des viols collectifs de femmes et d'enfants, et ce, sans la moindre tentative de « reprise en main » du commandement japonais.
Les Occidentaux furent les témoins du massacre jusqu'au 15 décembre, date où la majorité d'entre eux furent forcés d'évacuer la ville à l'exception d'un groupe de 22 personnes, dont le directeur de la zone, l'Allemand et membre du parti nazi John Rabe, qui écrivit un journal détaillé des événements et tenta de protéger les civils au mieux de ses moyens.
Iwane Matsui, Yasuhiko Asaka et tous les officiers du contingent de l'armée défilent symboliquement pour célébrer la prise de la ville
Il y note notamment pour le 13 décembre : « Ce n'est pas avant d'avoir parcouru la cité que nous réalisons l'ampleur de la destruction. Nous tombons sur des cadavres tous les 100 ou 200 mètres. Les corps des civils que j'ai examinés avaient des trous de balle dans le dos. Ces gens ont vraisemblablement fui avant d'être abattu par derrière. », Puis pour le 17 décembre : « La nuit dernière près de 1 000 femmes et filles auraient été violées, et environ 100 au collège pour filles Ginling. On n'entend rien d'autre que des viols. Si les époux ou les frères interviennent, ils sont abattus. De tous côtés, ce que l'on entend et voit, c'est la brutalité et la bestialité des soldats japonais.
Cadavre d'une femme avec une tige de bambou dans la vulve. Cette pratique était utilisée par les soldats Japonais pour marquer leur mépris à l'égard des chinoises.
« Des corps jonchent le sol tous les 100 ou 200 m. On est saisi d'un écœurement irrépressible en trouvant encore et encore les cadavres de femmes avec des tiges de bambou insérées dans la vulve. Même de vieilles femmes de plus de 70 ans sont régulièrement violées».
Le 19 décembre, le révérend James M. McCallum écrit quant à lui dans son journal : « Je ne sais pas par où commencer. Jamais je n'ai entendu ou lu une telle brutalité. Viol! Viol, Viol Nous les estimons à au moins 1000 cas par nuit et plusieurs par jour. En cas de résistance, ou de n'importe quel geste qui ressemble à de la désapprobation, il y a un coup de baïonnette ou une balle... Les gens sont hystériques... Des femmes sont enlevées tous les matins, les après-midi et les soirs. Toute l'armée nipponne semble libre d'aller et de venir à sa guise, et de faire tout ce qui lui plait. »
Sur cette photo d'archives, des chinois sont enterrés vivants
Une fois la ville sous contrôle, le prince Yasuhiko Asaka et le général Iwane Matsui, commandants des forces impériales, purent y pénétrer en grande pompe.
Jugement des crimes
Le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient (TMIEO) a établi que durant cette période, 20 000 viols furent perpétrés et estima qu'il y eut environ 200 000 personnes tuées par les Japonais, estimations fondées sur les documents détenus par les deux associations humanitaires qui s'étaient chargées du rassemblement et de l'enterrement des cadavres, le Svastika rouge et T'ung-shan She, ainsi que sur les témoignages des survivants. Le tribunal de Nankin a quant à lui évalué à 300 000 le nombre de victimes. Cette estimation comprend « plus de 190 000 civils et soldats chinois massacrés à la mitrailleuse par l'armée japonaise, dont les corps ont été brûlés pour dissimuler les preuves. » et plus de « 150 000 victimes d'actes de barbarie que les associations de charité ont enterrées. » Ce nombre a été adopté officiellement par le gouvernement chinois qui l'a inscrit sur le mausolée commémoratif du massacre.
Le prince Yasuhiko Asaka en 1940
En 1954, alors qu'il attendait son jugement pour crimes de guerre, le major Ohta Hisao de l'ancienne armée impériale japonaise, remit aux autorités un rapport où il détaillait les diverses méthodes utilisées par l'armée Shôwa pour se débarrasser des cadavres des civils et militaires chinois assassinés à Nankin. Ainsi, d'après lui, à Hsiakwan, les corps furent notamment empilés par groupes de cinquante avant d'être jetés dans le Yang-tsé. Ailleurs, des milliers de cadavres furent chargés sur des camions, pour être brûlés ou enterrés dans des zones inhabitées. Ohta estima que 150 000 cadavres avaient disparu de la surface de la terre entre le 15 et le 18 décembre 1937.
En additionnant ce nombre à celui des statistiques d'enterrements, l'historien chinois Sun Zhaiwei parvint alors au chiffre de 370 000 morts, deux fois plus qu'Hiroshima et Nagasaki réunis. D'après l'historien chinois Liu Fang-Chu, 430 000 personnes auraient été assassinées en un peu plus d'un mois.
Le général Iwane Matsui, responsable militaire des troupes ayant pris Nankin fut condamné à mort lors du Procès de Tōkyō pour ne pas avoir empêché le massacre. En raison d'un pacte conclu en 1945 entre l'empereur Hirohito et le général Douglas MacArthur, le prince Yasuhiko Asaka, oncle de l'empereur et officier ayant commandé le massacre des civils, ne fut pas accusé devant le tribunal. Dans une déposition faite le 1er mai 1946 aux enquêteurs internationaux, il nia l'existence d'un massacre et déclara « n'avoir jamais reçu de plainte quant à la conduite de ses troupes ». Le chef d'état-major de l'Armée, le prince Kotohito Kan'in, mourut quant à lui quelques mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Négationnisme
Aujourd'hui au Japon, certaines personnes, dont des politiciens de haut rang, nient publiquement l'existence du massacre ou mettent en cause le nombre de personnes tuées et son importance dans l'Histoire. Cette discussion relève du négationnisme.
En avril 2005, la parution au Japon de manuels scolaires minimisant l'importance du massacre de Nankin, provoque de violentes manifestations anti-japonaises en Chine, en Corée du Sud, ainsi qu'une dénonciation virulente de la part des autorités nord-coréennes (la Corée entière fut occupée par le Japon de 1910 à 1945).
En novembre 2006 commençait l'année de la culture de la Chine au Japon en signe de la réconciliation entre les deux pays. Le comité conjoint de 20 historiens a terminé la première phase de ses travaux en décembre 2006 à Beijing, sans que ne soient toutefois abordés des sujets spécifiques comme le massacre de Nankin.
Le procès de Tokyo, institué par MacArthur, pour juger les crimes commis en Asie. Sept condamnations à mort par pendaison ont été prononcées en 1948 dont celle de Hirota, accusé plus particulièrement des atrocités perpétrées en Chine.
Le même mois, le nouveau premier ministre japonais, Shinzō Abe, tenta de mettre fin aux querelles en reconnaissant que son pays avait commis des atrocités durant la Seconde Guerre mondiale et de se réconcilier avec son voisin. Il alimenta toutefois lui-même par la suite cette controverse avec ses propos sur les femmes de réconfort (propos encore une fois dénoncés par les états autrefois compris dans la sphère de coprospérité de la grande Asie orientale).